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Bonum vinum laetificat cor hominis
L’attention de l’archiviste de l’École fut attirée un jour par la demande d’un journaliste américain, Franck Prial, qui souhaitait avoir des renseignements sur un personnage qui avait acquis une renommée quasi mondiale pour son exceptionnelle connaissance des vins et spiritueux.
Il y avait bien, sur internet, pas mal d’informations relatives à ce truculent personnage, mais, comme le riz de l’Oncle Ben, des dates le concernant ne « collaient pas… ». Ce qui était irréfutable, c’était le départ des études secondaires d’un jeune Russe que ses parents avaient mis en sixième à l’Alsacienne. Sa fiche d’inscription indique la date de son entrée dans l’établissement du 109 de la rue Notre-Dame des Champs. Et la date de sa sortie. Il est resté chez nous de 1925 à 1931. C’est à cette époque que ses parents, qui soit dit en passant, avaient fui la Russie en 1917, décidèrent de faire les valises et partirent pour l’Amérique.
Le fiston se rendit célèbre un peu plus tard en menant une enquête sur les vins français, à la demande du quotidien américain, le New York Herald Tribune. Les dix pages qu’il rédigea connurent un succès immédiat. Signature de ce jeune prodige : Alexis Lichine, forme simplifiée de son patronyme Lichtenstein, assez dur à prononcer.
De son propre aveu, Alexis avait besoin de parfaire ses connaissances en matière vinicole…
Un épisode mouvementé de sa vie l’attendait : sa participation à la guerre sous la bannière de l’armée américaine. Il fut de ceux qui débarquèrent dans le sud de la France en août 1944. On sait aussi qu’il eut l’insigne honneur d’être l’aide de camp du général Einsenhower.
Une fois démobilisé, il fit le tour des vignobles d’Europe afin d’acquérir de solides connaissances sur leurs productions ; de regarnir les caves du Waldorf-Astoria ; d’écrire des livres toujours valables, paraît-il, tels que l’Encyclopédie des vins et alcools, Le guide des vins et vignobles de France, ainsi qu’un guide toujours sur les mêmes sujets. Et ce négociant, homme d’affaires et promoteur du vin français en Amérique, se retrouva un beau jour pape du vin !
L’histoire ne dit pas si, après les canons de ses compagnons d’armes, Alexis Lichine, dans ses pérégrinations internationales, eut l’occasion de partager des « canons » avec d’éventuels compagnons de bistrot…
Autres moments agités de son aventureuse existence : les amours féminines. Il convola en justes noces au moins cinq fois, selon le journal Le Monde. Après chaque séparation, se consolait-il dans le vin des châteaux qu’il avait acquis ? Se disait-il « nunc est bibendum » (c’est le moment de boire), en souvenir des ses humanités à l’École alsacienne ? Ou bien (finissons cet article avec une autre citation latine pour faire pendant à son titre) pensait-il « bonum vinum - avec modération - laetificat cor hominis » : le bon vin réjouit le cœur de l’homme ? Amen.
Fernand Pau, Cahiers de l’EA, 72, 2011
École alsacienne - établissement privé laïc sous contrat d'association avec l'État
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