Sommaire

Sommaire

Recherche

Nous suivre

newsletter facebook twitter

Connexion

Vous n'êtes pas connecté.

Disparition de George (Tom) O’Toole

professeur d’anglais à l’École alsacienne de 1952 à 1992

Article du 4 janvier 2015, publié par P. de Panafieu (modifié le 8 janvier 2015 et consulté 932 fois).

Tom O’Toole, professeur d’anglais de 1952 à 1992, nous a quittés le 3 janvier au matin.

Nous souviendrons de ce parfait gentleman, de sa diction merveilleuse et de son regard plein de malice, de son humour et de sa fidélité en amitié, de son amour platonique pour Liz Taylor et de sa grande élégance du cœur.

Il aimait cette École "pas comme les autres" et ce qu’il y a apporté de culture et d’humanité a beaucoup fait dans l’attachement que lui vouent ses anciens élèves.

Georges Hacquard, dans le tome 4 de son Histoire de l’École alsacienne, évoque ainsi le professeur et l’homme :

"Marie Debû-Bridel sera remplacée par un Anglais - pour mieux dire : un Irlandais, apparenté aux premiers rois de ce pays -, George Martin Hamilton OToole, vingt-huit ans, diplômé d’Oxford. Il arrive, équipé des inusables méthodes des pères jésuites, qu’il a pratiquées a l’école Saint-Louis-de-Gonzague et à l’école Sainte-Geneviève de Versailles, et dont il ne se déprendra jamais. À l’instar de ses inspirateurs, adeptes de l’émulation, qui partageaient les classes en deux factions rivales. Romains et Carthaginois, il divise ses élèves en soldats de Napoléon et de Wellington ; il comptabilise les notes de chaque camp et le camp qui remporte prend aussitôt le nom de Wellington ! Britannique jusqu’au bout de ses ongles raffinés, -jusqu’à loger rue Charles Dickens-, il exige (nous ne dirons pas : il obtient) que les élèves de ses classes se conduisent en gentlemen : tenue, langage, manières. Son accent, quand il consent à s’exprimer en anglais, est le plus pur produit d’Oxford. "Tom", pétri d’humour et de malice, également de pudique générosité, sera, tout au long de trente-sept ans de carrière à l’École, le chouchou des élèves, des familles et des collègues".

Les obsèques auront lieu mercredi 7 janvier en l’église de Barneville-Carteret à 14 heures 30.


Post Scriptum.

Discours de Pierre de Panafieu aux obsèques de Tom O’Toole, en l’église Saint-Germain, Barneville-Carteret, le 7 janvier 2015

Cher, très cher, Tom,

Nous avons, vos amis qui sont ici et tous ceux qui pensent à vous en cette heure, le cœur gros, comme vous aviez le cœur grand, immense et généreux.

Vous aimiez dire vos discours sur un fond sonore, j’aimerai vous rendre hommage au rythme du thème de Limelight que nous avons tous en tête, parce que vous partagiez avec sir Charles Chaplin cet art si subtil de fondre dans le même alliage l’humour le plus fin et une certaine forme très douce de mélancolie.

Pour tous ceux qui vous pleurent aujourd’hui, vous resterez le professeur que les élèves rêvaient d’avoir. Vous aviez dans votre enseignement une grande liberté. Nous étudions bien avant que ce soit recommandé des oeuvres complètes. Ah ! vous entendre lire les textes avec cette diction, cet accent, cet amour de la langue ... Incontestablement ces moments passés dans votre classe comptent parmi les meilleurs moment de notre scolarité. Pascal Guénée nous le rappelle : "Je me souviens de ce cours de vocabulaire "A spinster : une vieille fille ; a bachelor : un homme supérieurement intelligent". Car vous étiez à nos yeux d’enfants un double archétype. Celui de l’anglais, pétri d’humour, adepte de l’understatement, capable -chose très surprenante pour des petits français - d’autodérision, d’une élégance parfaite, élégance d’allure et élégance de l’âme. Vous étiez aussi le bachelor, fier de l’être. Nous sentions bien votre sensibilité à fleur de peau. Nous avions tous été bouleversés par le chagrin qui s’est emparé de vous lorsque votre chère mère a disparu.
"Dans l’enseignement que j’ai tant aimé, disiez vous, j’ai trouvé deux buts essentiels. Premièrement, donner quelques connaissances de la belle langue de Shakespeare et deuxièmement, surtout, essayer de communiquer une certaine joie de vivre."

Sur ces deux points, vous avez été un maître, même si, comme vous vous plaisiez à le rappeler vous faisiez tout cela pour un "salaire de valet de chambre".

"Je n’ai pas eu une jeunesse aussi heureuse que certains ont pu le croire." Avez vous dit un jour. Votre attachement à ce métier, mais aussi à l’École alsacienne, tient peut être à cette quête altruiste d’un bonheur dont vous fûtes privé et que vous vous êtes attaché a donner à vos élèves. Il est incontestable qu’à suivre votre enseignement, nous avons sûrement eu une enfance plus heureuse.

L’École alsacienne était votre maison. Georges Hacquard l’a bien dit :

"Tom", pétri d’humour et de malice, également de pudique générosité, sera, tout au long de trente-sept ans de carrière à l’École, le chouchou des élèves, des familles et des collègues".

Dans ce métier que certains peuvent vivre sur un mode très individualiste, vous avez été aussi un collègue attentif, prévenant et délicat. Quand votre grande sensibilité vous permettait de déceler chez un collègue une tristesse, une contrariété, vous trouviez toujours, en aparté, avec un tact parfait, les mots qui soulageaient, qui réconfortaient et qui remettaient en selle. Et pour qui, comme moi, vous avait connu dans votre rôle de professeur qui s’appliquait à marquer la distance entre ses élèves et lui, cette attentive proximité, cette cordiale complicité surprenait. Vous étiez convaincu que, et je vous cite : "Nous ne sommes tous que des naufragés essayant de garder l’équilibre sur une miserable planche en pleine mer, nous avons oublié d’où nous venons et nous ignorons vers quel lieu nous dérivons — mais quand on a pleinement accepté ce système, la vie devient plus facile". Plus facile surtout grâce à l’attention mutuelle que les naufragés se doivent pour que cette curieuse croisière soit en effet plus facile.

Dans le discours que vous fîtes lors de votre départ à la retraite, vous avez évoqué le roman "Good bye Mr Chips " qui obtint un succès immédiat dans le monde entier, (je vous cite) et aujourd’hui devenu classique, où je me suis toujours retrouvé un peu.
Chips le professeur célibataire par excellence, retraité, a eu un petit malaise. Lorsqu’il se réveilla car il avait l’impression d’avoir dormi un moment, il entendit qu’on parlait de lui dans la chambre — le pauvre vieux, il a dû avoir une existence bien triste, toujours seul, dommage qu’il n’ai pas eu d’enfants.

Là-dessus, Chips ouvrit les yeux aussi grands qu’il pu et essaya d’attirer leur attention : qu’est-ce que c’était que vous disiez de moi à l’instant ?

Rien du tout. mon vieil ami. absolument rien d’important, je vous en donne ma parole. Je croyais entendre l’un de vous dire que c’était dommage, dommage que je n’ai jamais eu d’enfants, mais j’en ai, vous savez, j’ai, oui, j’ai des milliers et des milliers… (…).
Brookfield, le nom de son établissement, n’oubliera jamais combien il méritait d’être aimé, déclara le directeur aux élèves. C’était absurde, concluiez vous votre discours, parce que tout finit par s’oublier."

Cher Georges, chose exceptionnelle, vous avez tort sur ce point. Brookfield, c’est à dire l’École alsacienne, n’oubliera jamais combien vous méritiez d’être aimé, comme elle n’a pas oublié le père Beck, Tacomath et Tacolat, Marscard, Testard, et plus proches de nous Varenne, Hacquard et Hammel, Pailler...

Non, nous n’oublierons pas combien vous le méritez, Cher Tom.

École alsacienne - établissement privé laïc sous contrat d'association avec l'État

109, rue Notre Dame des Champs - 75006 Paris | Tél : +33 (0)1 44 32 04 70 | Fax : +33 (0)1 43 29 02 84