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Origine de l’EA et développement (2)

Bientôt, le nombre des élèves augmentant encore...

Article du 4 mars 2011, publié par PO (modifié le 22 juin 2011 et consulté 807 fois).

Théodore Beck : Mes souvenirs, 1890 - 1922

ORIGINE DE L’ÉCOLE ALSACIENNE ET DÉVELOPPEMENT (2)

Bientôt, le nombre des élèves augmentant encore, l’espace dont on disposait s’avéra insuffisant. Les jeunes gens durent être installés dans un jardin où il y avait de nombreux arbres, où chantaient les oiseaux, et un tapis de gazon, sur lequel les élèves passaient les heures de récréation.

C’était délicieux, et M. MARTY disait que c’était là une belle page dans l’histoire de l’Ecole. Au fond du jardin, il y avait une maison à deux étages, dont le rez-de-chaussée était transformé en classe. Les deux étages étaient habités par le directeur, sa famille et M. MARTY, sous-directeur. Tous deux surveillaient les jeunes gens et remplissaient même le rôle de professeurs. Il y avait alors trois sections dans trois locaux différents, ce qui était très incommode et fatigant ; cette situation ne pouvait durer. Quelques membres du conseil d’administration eurent alors l’idée d’acheter un terrain, de le surbâtir de façon que l’Ecole tout entière (de la 10e à la philosophie élémentaire et aux mathématiques inclusivement) fût sous le même toit. Après de vives discussions, on finit par tomber d’accord. Il se présenta justement une occasion très favorable : un terrain inculte assez étendu, allant de la rue d’Assas à la rue Notre-Dame des Champs, était à vendre ; on se hâta de l’acheter et les travaux commencèrent aussitôt, sous la direction d’un architecte très distingué, M. Emile AUBURTIN, qui y consacra tout son temps et toutes ses forces, si bien que les bâtiments furent achevés à la fin de 1880. Ils furent inaugurés le 9 juin 1881, sous la présidence du modeste savant et fervent patriote, M. Paul BERT. Dans un magistral discours, M. Paul BERT traça les caractères essentiels de notre institution et dit entre autres choses : « Il est vrai qu’à ceux qui aiment la patrie, tout le reste est donné par surcroît ». Cette fête laissa un souvenir ineffaçable dans l’esprit de nombreux auditeurs. Tout marchait donc à souhait.

Comme cet excellent M. RIEDER sentait qu’il était trop fatigué, il donna, le coeur saignant, sa démission (en février 1891). Nommé directeur honoraire, il se reposa de ses travaux et de ses émotions, tout en restant attaché à l’Ecole, à laquelle il avait consacré le meilleur de son esprit et de son coeur.

En automne 1906, il tomba subitement malade et mourut le 6 octobre, vivement regretté par ses anciens élèves, ses collaborateurs et ses nombreux amis.

Il n’était pas facile de succéder à M. RIEDER, tant il avait pris racine sur le champ qu’il avait soigneusement ensemencé. Son nom et celui de sa famille seront toujours en grand honneur dans la maison qu’il a tant aimée.

Le Conseil fit appel à M. Théodore BECK, professeur de latin et d’allemand à l’Ecole, qui, pour plusieurs raisons, se montra hésitant.

Sur la complète approbation de sa femme et les instances de quelques amis, il accepta finalement. Il entra en fonctions à Pâques 1891, avec la ferme intention de témoigner toute sa bienveillance à son prédécesseur et à sa famille, et bien décidé à se donner de plein coeur à l’oeuvre patriotique et pédagogique qu’on voulait bien lui confier. Alsacien de naissance et Français de coeur, il avait dû quitter le sol natal et passer des examens, entre autres le difficile concours de l’agrégation, pour consacrer une partie de sa vie à l’enseignement et à l’éducation de la jeunesse. M. RIEDER l’avait paternellement accueilli et lui avait confié, à l’Ecole Alsacienne, l’enseignement du latin et, plus tard, de l’allemand. Dix ans après, M. BECK succédait à son bienfaiteur (en 1891).

En 1899, nous nous trouvions dans une période de croissance qui n’était pas sans nous inspirer un grave souci. Voyant que tous les moyens de nous créer des ressources étaient insuffisants, le conseil prit la grave résolution de s’adresser à l’Etat. L’avenir dépendait du résultat de nos démarches. Nous les commençâmes aussitôt. La réponse du Parlement fut favorable, grâce en partie à M. Maurice FAVRE, sénateur, et à M. FLEURY-RAVARIN, alors député. Une subvention de 25.000 francs fut votée sans discussion et à une immense majorité. Voilà le vingtième siècle qui mystérieusement ouvre ses portes. Nous tâchons de nous rendre, comme précédemment, utiles, pour que l’Université nous considère comme son auxiliaire. Comme tels, nous ne sortirons jamais de la voie sacrée du progrès, nous resterons fidèles à nos traditions, sans perdre de vue les exigences du monde moderne, les besoins de la France démocratique.

A ce moment, nous avons appris, avec une vive émotion, le décès imprévu de M. Charles FRIEDEL, le célèbre chimiste, membre de l’Institut, qui a été le vrai fondateur de l’Ecole Alsacienne. Le 10 avril 1899 a été pour notre Ecole un vrai jour de deuil. Enfant de Strasbourg, Charles FRIEDEL était tout pénétré des nobles traditions de sa terre natale, et professait pour la France un fervent amour. L’Ecole faisait, pour ainsi dire, partie de sa famille. Il ne cessa jamais de lui témoigner l’intérêt le plus actif. Son souvenir restera vivant parmi nous.

Mlle Marguerite RISLER (Mme FRIEDRICH), maîtresse d’allemand des plus distinguées, qui avait introduit dans l’enseignement de cette langue une nouvelle méthode théorique et pratique, fit faire d’étonnants progrès à ses petits élèves qui lui étaient très attachés. Son successeur fut Mlle LOGEROT (Mme FERNET) qui modifia un peu la méthode, mais qui, en général, suivit l’exemple de sa devancière.

Vers 1900, le Conseil d’administration eut de nouveau de fortes préoccupations au sujet du budget de l’Ecole et fut obligé de demander à l’Etat une nouvelle subvention. M. Georges LEYGUES, alors ministre de l’Instruction publique, nous défendit avec une énergique conviction. Une fois de plus nous étions fortement encouragés dans notre oeuvre qui n’était rien moins que confessionnelle. Nos finances étaient donc améliorées et notre budget se présentait sous un jour assez favorable ; nous pûmes satisfaire à des besoins urgents. Dans cette circonstance, le concours de M. GRISIER, le consciencieux économe, et de M. GEORGE, notre précieux comptable en chef, nous fut particulièrement utile. Le mouvement ascendant de notre population scolaire fut quelque peu ralenti par la réforme de l’enseignement secondaire de 1902, élaborée par la commission parlementaire et par le Ministre de l’Instruction publique, à la suite d’une minutieuse enquête. Il sera plus que jamais nécessaire de bien se rendre compte des capacités, des goûts, des dispositions des élèves et de les diriger, dans la vie, vers les carrières auxquelles leur éducation et leur nature semblent les avoir destinés.

La réforme de 1902 de l’enseignement secondaire étant un fait accompli en théorie, il ne s’agissait plus que de la mettre en pratique. Cette mise en marche ne présenta guère les difficultés que nous craignions, et ceci grâce aux mesures prises par la direction et les professeurs. Cette réforme, qui répondait aux règlements ministériels, n’était pas l’idéal, mais elle était ingénieuse, pénétrée d’un libéralisme éclairé ainsi que du souci de faire leur part « aux anciens et aux modernes ». Les initiateurs du nouveau régime ont eu des visées plus hautes que l’instruction proprement dite, c’est à savoir l’éducation morale, la préparation à la vie. Ce fut là, du reste, toujours la suprême ambition de l’Ecole Alsacienne.

En avril 1903, nous avons été cruellement éprouvés par la mort subite de notre vénéré et très aimé président, M. PARRAN, qui, depuis 1876, avait donné à l’EcoleAlsacienne son concours le plus dévoué. Sa préoccupation fut toujours de rendre de plus en plus intense la vie de l’Ecole, d’y faire de nouvelles tentatives pour le bien de la famille, de l’Université et de la Patrie. Nous garderons pieusement le souvenir de cette haute personnalité, simple et modeste, qui a éclairé notre route dans les mauvais jours, où il opposait à une situation angoissante une calme énergie.

En 1904, nous eûmes une autre alerte. Cependant, malgré quelques difficultés venues du Sénat, nos positions se fortifièrent, grâce en partie à M. Léon BOURGEOIS. C’est de cette année-là que date la création du poste de Préfet des Etudes, dont l’utilité était incontestable. Ce fut M. Edouard MARTY qui fut nommé.

En 1905, notre situation financière s’était améliorée, mais, si nos charges étaient moins lourdes, elles l’étaient encore trop.

Ce n’est pas sans difficultés que la réforme de 1902 fut appliquée ; nous devions, en effet, nous soumettre à la loi, tout en gardant notre autonomie.

Il est important de relater qu’à ce moment un membre du Conseil émit l’idée, en la motivant, d’admettre les jeunes filles dans la section élémentaire de l’Ecole. La Direction et le Conseil s’associèrent à cette expérience qui donna de bons résultats.

Nous avons eu, vers la fin de 1905, le grand regret de perdre, par démission, deux de nos meilleurs collaborateurs : M. Théodore STEEG, professeur de Philosophie, qui s’est lancé dans la carrière politique (plusieurs fois ministre, gouverneur de l’Algérie, résident général au Maroc, et président du Conseil des Ministres, actuellement sénateur) et M. Paul SIRVEN, qui a été choisi pour occuper la chaire de littérature française à Lausanne, où il a fait valoir ses précieuses qualités. Ils furent remplacés par M. REVAULT d’ALLONNES, et par M. Albert BAYET (sorti premier de l’Ecole Normale Supérieure), professeur hors ligne dont la coopération a été un bienfait.

Notre Ecole étant, en 1906, de plus en plus solide et de plus en plus appréciée, nous pûmes nous imposer des dépenses extraordinaires, telles que le renouvellement de notre matériel scolaire, l’agrandissement de nos locaux, par mesure de salubrité, l’augmentation des traitements, etc... A la rentrée d’octobre 1906, nous avions plus de 300 élèves, chiffre qui n’avait jamais été atteint. La satisfaction que nous en éprouvions fut malheureusement troublée par la mort de M. MARTY, qui avait été pendant 30 ans mêlé à la vie de notre foyer scolaire. Il s’intéressait à la vie de chacun de ses élèves qui le respectaient autant qu’ils l’aimaient. C’est M. BAYET qui le remplaça en 3e. Le nouveau préfet des études fut M. Adrien KREBS qui prit très à. coeur sa tâche et sa responsablité. Il serait injuste de ne pas mentionner le concours de MM. Auguste BAILLY, FARAL et, plus tard, de MM. MOREL et LEVAILLANT. En ce qui concerne M. FARAL, nous avons eu de la peine à obtenir du ministre (tant celui-ci appréciait la supériorité de son esprit) sa nomination comme professeur détaché à l’Ecole ; comme organisateur des études, professeur et sous-directeur il a rendu à l’Ecole Alsacienne des services appréciés. Il en est de même pour M. CULTRU qui fut nommé en 1906, professeur à la Sorbonne.

L’année 1907 et les suivantes ont été assez bonnes, au point de vue financier ; nous avons pu, sans crainte, faire face aux dépenses du présent et du passé.

Si, pour les études et le travail, ces années nous ont donné quelques inquiétudes, cela tenait en partie aux programmes trop chargés, qui avaient besoin d’être simplifiés et révisés dans l’intérêt des maîtres et des élèves. Telle était la conviction du Conseil d’administration ; il pensait qu’il valait mieux former l’esprit que l’encombrer d’un amas de connaissances. Il s’agissait là aussi de distinguer l’essentiel du secondaire ; ce fut l’avis très motivé et chaleureusement exprimé par deux administrateurs, M. le Docteur JAVAL et M. Alfred BLECH, que la mort nous a subitement ravis. Ce dernier, fils de la vieilIe et loyale Alsace, était le digne représentant de la belle famille BLECH de Sainte-Marie-aux-Mines. Par ses idées pratiques, son noble caractère et son ardent patriotisme, il a bien servi l’Ecole Alsacienne.

Cette année-là, nous avons eu à regretter le départ de M. KELLER, qui a été notre professeur de dessin géométrique pendant 16 ans. Son successeur fut M. VALET, excellent homme, jouissant d’une parfaite réputation.

Nous n’avons eu, en 1908, aucun événement douloureux à déplorer, mais plusieurs changements notables se produisirent dans le personnel. M. VERMEIL, agrégé de l’Université et docteur ès lettres, a été détaché de l’Ecole. Se sentant plutôt destiné à l’enseignement supérieur, il nous a quittés, en 1919, pour occuper à Strasbourg la chaire de littérature allemande. M. MERCADIER, excellent professeur de dessin à vue et artiste remarquable, succéda à M. QUENIOUX et nous consacra dix ans d’une féconde activité. Il fut remplacé par M. Maurice TESTARD, un passionné de l’art, qui n’oubliait pas que la modestie rehausse le talent. Ce dernier eut pendant quelques temps à côté de lui, M. RENAUDOT, notre ancien élève, mort victime de la guerre. M. QUENIOUX, l’ardent promoteur de la nouvelle méthode, qui consiste surtout à prendre pour base de l’enseignement du dessin l’observation directe de la nature, nous quitta pour devenir professeur dans un lycée de Paris, puis inspecteur général du dessin.

De 1908 à 19II, la vie intérieure de l’Ecole a été à peu près normale, mais en se maintenant toujours dans la voie du progrès. Très peu de changements dans le personnel enseignant, sauf la démission du très apprécié M. LE BRUN qui était professeur d’anglais depuis vingt-cinq ans. Ces professeurs pleins de bonne volonté ont fait valoir presque tous de sérieuses qualités professionnelles, auxquelles le Directeur n’a jamais manqué de rendre hommage.

La population scolaire augmenta sans cesse pendant cette période, quoique nous eussions le souci de la qualité bien plus que du nombre des nouveaux venus.

Quant au budget, il s’est présenté sous un jour à peu près favorable, si bien que nous avons pu faire face à de lourdes dépenses. Le Conseil, très prévoyant du reste,
a voté l’installation du chauffage central et de l’électricité, toutes mesures qui prouvent que l’administration ne recule devant aucun sacrifice, quand la question d’hygiène est en jeu.

Comme il nous fallait, de plus, régler quelques dettes du passé, nos réserves furent très entamées, sinon épuisées. Bien que n’étant pas financièrement en mauvaise posture, ne sachant pas ce que l’avenir nous réservait, nous nous sommes imposé l’obligation de n’agir qu’avec prudence et prévoyance. A ce moment, le Président, le député M. Jules SIEGFRIED, nous dit : « Que les travaux soient réduits au nécessaire, soyons sages, la prévoyance est une vertu capitale. » Ces paroles étaient presque une prophétie.

En 1921, M. Théodore BECK, après 31 ans de directorat, donna sa démission. Il fut remplacé par M. Henri PEQUIGNAT, sous-directeur, qui, homme de progrès et d’une prodigieuse activité, réuissit à obtenir de l’Etat de quoi suffire aux besoins de l’Ecole. L’Ecole put alors augmenter les traitements du personnel enseignant et administratif, qui lui en fut très reconnaissant. .

Au commencement et à la fin de 1914, nous avions été cruellement éprouvés : d’abord par la mort de M. Frédéric BREUNIG qui s’était doucement endormi en présence de sa compagne et de son ami préféré, le Général NIOX. Monsieur BREUNIG, enfant du peuple, Alsacien de race et d’esprit, avait été élevé à l’école du travail et de la parfaite honnêteté. Il n’avait d’autre ambition que celle du devoir, d’autre souci que celui de faire de ses élèves des hommes de coeur, de foi et d’action. Ce deuil avait été suivi d’un autre qui nous avait également beaucoup émus, la mort subite de M. Charles LAUTH qui, pendant 40 ans, avait été un des membres les plus réguliers et les plus actifs du Conseil d’administration. Fils de Strasbourg où son nom était hautement estimé, Charles LAUTH était très attaché à l’Ecole Alsacienne et il en défendait les intérêts avec toute l’énergie de son caractère enclin à la critique, mais plus encore à la bienveillance et à. la bonté.

Bientôt après, M. KREBS, professeur de seconde et préfet des études, nous annonça, très ému, que son état de santé ne lui permettait plus de remplir ses fonctions. Nul n’eut la conscience professionnelle plus scrupuleuse, et ne comprit mieux l’esprit de l’Ecole. Le Conseil le nomma professeur honoraire.

Ces tristes événements avaient amené un changement important : la création de deux postes de sous-directeurs. Sur la proposition du directeur, MM. BAUER et FARAL furent choisis pour ces fonctions ; le premier fut chargé de la section élémentaire, y compris la sixième et la cinquième, le second, des classes supérieures à partir de la quatrième. Avec ces deux forces, qui représentaient le passé et l’avenir, l’Ecole ne pouvait que gagner au point de vue des études, de la discipline, en un mot de l’éducation.

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