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Georges Hacquard - Revue de presse
Trois articles évoquent notre ancien directeur, dans Le Figaro, Le Monde et La Croix.
Georges Hacquard a mis l’École alsacienne à la pointe de toutes les innovations pédagogiques.
Avec la mort de Georges Hacquard, la France a perdu à la fois un honnête homme, un humaniste et un grand pédagogue.
Originaire de Toulouse - dont il gardera l’accent toute sa vie -, Georges Hacquard fait ses humanités dans la khâgne du fameux lycée Fermat. Ce fils de comptable est un vrai littéraire. Quand il part à l’armée pour la drôle de guerre, il emporte avec lui les Pensées de Pascal. C’est aussi un pédagogue né. C’est donc tout naturellement qu’il s’oriente vers l’agrégation des lettres et le professorat.
En 1945, ce catholique devient professeur à l’École alsacienne, établissement laïc, mais de tradition protestante, car fondée après la défaite de 1870 pour recueillir les petits Alsaciens ayant fui avec leurs familles l’occupation prussienne. La prestigieuse institution - où le prix Nobel de littérature André Gide et le père de Babar, Jean de Brunhoff, firent leurs études - s’était un peu endormie.
Georges Hacquard va la réveiller. Par son enseignement, d’abord. À l’époque, le latin est encore la matière reine. Hacquard n’a pas son pareil pour le rendre vivant. Tous ses élèves et ses anciens élèves - à commencer par Juliette Lappo, qui allait devenir sa femme et lui donner quatre enfants - sont fascinés par son enthousiasme et sa facilité à transmettre son immense culture classique. En 1952, il publie chez Hachette son Guide romain antique. Le livre va devenir un best-seller scolaire et rejoindre, sur les étagères des lycéens français de la IVe République, le Bled et le Mallet-Isaac.
L’année d’après, il postule, auprès du conseil d’administration de cet établissement privé, pour le poste de directeur. Grâce à son dynamisme, à ses qualités évidentes de professeur, au respect de ses collègues et de ses élèves, il coiffe au poteau le censeur, qui était un officier résistant de quinze ans son aîné, auréolé du prestige d’avoir été le chef d’état-major du colonel Rol-Tanguy pendant l’insurrection parisienne du mois d’août 1944.
Il était en avance sur tout
À la barre de l’institution logée entre les rues d’Assas et Notre-Dame-des-Champs, Hacquard fera merveille. Il met l’École alsacienne à la pointe de toutes les innovations pédagogiques de cette France du baby-boom. Il crée une activité théâtre. En histoire antique, il emmène les élèves à Rome ; en histoire contemporaine, il fait venir Mendès France comme conférencier pour les élèves de terminale. En dessin, les professeurs sont les grands peintres Carrade et Chaminade. En musique, il dirige lui-même une chorale de haut niveau, qu’il emmène chanter en Allemagne. Comme il est en avance sur tout, il l’est aussi sur la réconciliation franco-allemande.
Grâce à lui, et à son ami censeur Jean-Pierre Hammel, la « boîte à caramels » traverse sans encombre la tourmente de mai 1968. Ce directeur à la fois traditionnel et visionnaire est resté un professeur toute sa vie. Il faisait passer lui-même, le jeudi, les « réparations » de latin. La « réparation », c’était une colle dépourvue de sa connotation punitive…
En 1986, Georges Hacquard prend sa retraite, à l’âge de 68 ans, heureux d’avoir davantage de temps à consacrer à la musique classique et à la culture occitane. Il laisse derrière lui une École alsacienne en pleine forme, qui est aujourd’hui l’une des trois écoles privées les plus reconnues à Paris pour la qualité de sa pédagogie.
Renaud Girard
Une personnalité de l’éducation est partie. Georges Hacquard, professeur de lettres, historien, directeur de l’École alsacienne entre 1953 et 1986 est mort le 8 mai à Paris, à l’âge de 96 ans. « Il a marqué nos vies du sceau de sa générosité », a rappelé l’école dans un communiqué annonçant cette disparition.
Né le 18 juillet 1918 à Toulouse (Haute-Garonne), Georges Hacquard, après des études dans cette ville, couronnées par une agrégation de Lettres, devient en 1938 professeur au lycée de Roanne puis, à partir de 1945 à Paris à l’École alsacienne. Dès lors, son parcours va se fondre dans celui de cet établissement privé laïc du quartier Montparnasse, créé en 1874 par des universitaires alsaciens ayant choisi la France après l’annexion de l’Alsace-Lorraine par la Prusse en 1870.
Un nouvel élan
En majorité protestants, ces enseignants avaient opté dès l’origine pour un modèle pédagogique alliant exigence, ouverture d’esprit et bienveillance, qui a valu jusqu’à nos jours à cette école sa réputation, renforcée au fil des générations par l’accueil de nombreux élèves devenus par la suite célèbres ou issus de parents qui l’étaient déjà.
C’est en 1953 que Georges Hacquard prend les rênes d’une école un peu endormie sur ses lauriers, qu’il se plaisait parfois à appeler « balzacienne » et qui va, sous son impulsion et sous la pression des mutations sociales, trouver un nouvel élan. En 1962, en application de la loi Debré de 1959 sur le financement de l’enseignement privé, se pose la question d’un contrat d’association avec l’État. Le directeur est pour, mais le président et certains membres du conseil d’administration sont contre, redoutant une perte d’indépendance, bien que l’école soit déjà parmi les rares établissements privés subventionnés et bénéficiant d’enseignants détachés de l’Éducation nationale. A l’issue d’une crise interne, Georges Hacquard l’emporte.
Pédagogies ouvertes
Nullement effrayé par mai 1968, il s’attachera dans la décennie 1970 à accroître les modalités de participation à la vie de l’établissement, à l’intention d’élèves qui ne restent pas à l’écart des mouvements contestataires de cette période. A ses yeux, ce n’était pas la jeunesse qui était en crise, mais plutôt « l’adulte éducateur ». Inspiré notamment par un voyage aux États-Unis, il publie un livre intitulé Vers une école idéale (Robert Laffont, 1971) et accentue l’orientation de la sienne vers les pédagogies ouvertes, collaboratives et fondées sur l’échange.
« Nos écoles, écrivait-il en 1983, ont pour premier devoir d’être des écoles de liberté et on ne peut donner une chose que si on la possède. Un établissement d’éducation doit avant tout être un établissement libre, qu’il soit public ou privé. C’est grâce à cette liberté que nous sommes responsables de l’enseignement que nous donnons ».
Efficacement épaulé par le censeur Jean-Pierre Hamel, qui lui succèdera en 1986, il explore toutes les marges de manœuvre que laisse l’Éducation nationale. L’école devient en 1975 un « établissement expérimental de plein exercice », teste un baccalauréat à la carte et surtout continue de se vivre « libre, fraternelle et égalitaire », selon une formule de Georges Hacquard dans son Histoire d’une institution française : l’École alsacienne, publiée en quatre tomes de 1982 à 2000.
Fédérer les énergies
Cofondateur en 1969 de l’Association pour l’organisation de voyages d’étude scolaires (AVES), il était de tous les déplacements avec les élèves, en particulier – tradition toujours vivante aujourd’hui - à Rome où cet érudit latiniste faisait preuve d’un « talent d’évocation extraordinaire » se souvient Pierre de Panafieu, ancien élève et directeur de l’école depuis 2001, évoquant ce personnage qui « en imposait sans jamais hausser le ton ».
Homme d’un humour délicieux et d’une vaste culture, Georges Hacquard est l’auteur d’une dizaine de livres touchant à ses multiples centres d’intérêt notamment (avec Jean Dautry et Olivier Maisani) un Guide romain antique (Hachette, 1952), un Guide mythologique de la Grèce et de Rome (Hachette, 1976), un Panoramique sur cinquante ans de cinéma (Cidalc, 1954), un ouvrage sur La Musique et le Cinéma (PUF, 1959) et, outre son histoire de l’École Alsacienne, un livre de souvenirs Sur les balcons du ciel (2012, Ed. La Compagnie). Il avait aussi écrit des livrets d’opéra et fondé en 1953 « L’Encyclopédie sonore », où il a notamment signé, avec Jacques Fabbri et Jean-Claude Pascal, un Trésor de la poésie lyrique française en dix volumes, réédités en CD.
Doté d’une « extraordinaire capacité à fédérer les énergies », selon Pierre de Panafieu, Georges Hacquard s’était également, à côté et en complément de ses responsabilités de directeur d’établissement, beaucoup investi dans le champ associatif de l’éducation, notamment dans les instances de l’École nationale du cirque et des Jeunesses musicales de France.
Luc Cédelle
Le Monde.fr | 13.05.2014 à 16h12 • Mis à jour le 14.05.2014 à 01h32. Article en libre accès.
Plus près de nous : Georges Hacquard. Ce géant de la pédagogie, ce maître des maîtres vient de mourir dans sa quatre-vingt-seizième année. Un professeur d’humanité, au singulier, et un guide en humanités, au pluriel. Il avait dirigé pendant un quart de siècle la célèbre École alsacienne, à Paris, la transformant en un espace d’innovation pédagogique, à une époque où le mot pédagogie n’était pas un gros mot, selon les réactionnaires, mais un projet humain.
Humaniste parmi les humanistes, drôle et sérieux, libre et rigoureux, Georges Hacquard a appris à des milliers de jeunes la valeur de l’effort et du travail et a enseigné à des dizaines de profs les bienfaits de la liberté. Il a conduit des générations sur le chemin du respect des traditions et du classicisme (il n’avait pas aimé 68) sans renoncer aux effets libérateurs du respect que l’on doit à tout être, fût-il jeune, pour son épanouissement.
Cet homme cordial, immensément attachant, a marqué une époque de la vie en société, sans jamais plastronner dans les médias. Il aimait toute culture, toute musique, le cinéma, le théâtre. Il aimait sa famille, ses élèves, les enseignants qu’il dirigeait. C’était un géant de l’humain. Un témoin vivant de l’éternel printemps, quand l’intelligence et la culture s’épaulent. Qui ne serait fier de l’avoir connu et reconnaissant pour ce qu’il fut ?
Bruno Frappat, La Croix
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