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Individualisme et camaraderie (1970)

Cahiers de l’EA, 24, 1970

Article du 14 janvier 2010, publié par PO (modifié le 20 décembre 2012 et consulté 1235 fois).

Comment d’un groupe hétérogène peut-on faire un ensemble cohérent, où les rivalités intestines sont dissoutes ? Diverses méthodes ont été proposées.

Mais présentons d’abord le groupe : c’est une classe de Première. Me bornant à ma section, je peux tout de même affirmer que le même phénomène s’est passé dans les sections parallèles.

Au début de l’année les professeurs nous disent : « Vous ne pouvez pas vous souffrir, vous êtes trop individualistes. » Or il ne nous reste que cette année pour connaître et pratiquer ce que l’on nomme pudiquement la solidarité, l’année suivante étant celle de la course contre la montre. On essaie la meilleure thérapeutique après les discours ; la psycho-sociologie. Nous, les économistes, qui effleurons prudemment la sociologie, nous croyons que M. Zananiri va apporter la panacée en créant une subdivision de la classe en cellules d’après des données sociométriques.

Le résultat est pitoyable. Les groupes se persécutent, l’entité qu’est la classe s’effrite. La fin de l’année approche quand une nouvelle se répand : on réorganise cette année un Prix de Camaraderie au niveau de la Première.

C’est le catalyseur ; chacun se décide de son côté. Chaque classe devient un groupe plus qu’uni, organisé. Les remèdes venant de l’extérieur ont été vains ; c’est une force inhérente aux élèves qui les a coalisés en vue de pousser leurs candidats.

Les classes deviennent alors les antichambres du carnaval, des loges de théâtre où les masques et les ustensiles à chahut qui jonchent le sol côtoient l’intellectualisme du cours, qui est resté ce qu’il était.

Quatre tempéraments vont alors s’affronter, ce qui décante « sua sponte » l’anarchie originelle :

La classe de A présente dans une ambiance de délire surréaliste le candidat Aubrun, phraseur comme un littéraire. La classe de B engage d’une manière bucolique une candidate dont les grâces sont inséparables de la concision verbale chère à ces économistes : Béatrice La Prairie. La classe de C, les plus polarisés, les futurs « taupards », lancent le dynamique Grize dans une campagne rationaliste. La classe de D enfin soutient la candidature assez osée de l’envoûtante Sarah Tessier du Cros au moyen d’une mascarade aux tendances féministes, selon les leçons de génétique qu’ils ont assimilées.

La lutte s’exprime comme de coutume : slogans, affiches, « musique », cérémonies mystico-canularesques. C’est une campagne à l’américaine où les voix se comptent au nombre de confettis. Celui qui fera le plus de bruit sera élu, disent les mauvaises langues. La corruption aidant, il faut s’attirer les suffrages des classes inférieures (de niveau seulement !), car cette année les deux cycles voteront.

Je passe sur les élections, où les fraudeurs sont impitoyablement traqués. Bref, un samedi à midi, un bouchon de champagne éclate dans la cour : Béatrice La Prairie est élue, suivie respectivement de Pascal Aubrun, de Yves-Laurent Grize et de Sarah Tessier du Cros.

Contestera qui veut le principe du Prix de Camaraderie ; j’en déduis toutefois – avec grande objectivité – que :

1° MlIe La Prairie est une charmante camarade, choisie grâce à son sourire et à la chlorophylle intrinsèque qu’elle apporte au sein de notre école polluée.

2° Sans ce Prix de Camaraderie, les élèves de Première risquaient de se dévorer entre eux avant la fin de l’année, nonobstant les efforts du corps professoral et psycho-sociologique.

Mario Hacquard, 1èreB

Sang neuf, 24, 1970


Béatrice La Prairie,

Prix de Camaraderie 1970

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