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Promenades et excursions
Encore une innovation qui a fait partie des premiers programmes...
Théodore Beck : Mes souvenirs, 1890 - 1922
Encore une innovation qui a fait partie des premiers programmes de l’Ecole Alsacienne et que les lycées de Paris n’ont pas réalisée, à notre su. Le directeur, l’excellent M. RIEDER, et le très actif sous-directeur M. BREUNIG n’eurent aucune peine à organiser des promenades dites instructives. Le professeur menait petits et grands à des endroits où on leur faisait voir ce qu’ils avaient seulement entendu en classe. Le maître leur faisait une petite leçon bien préparée et les élèves faisaient chez eux un devoir sur ce qu’ils avaient vu et entendu. On les conduisait ainsi, suivant leur âge, au musée du Louvre, au Jardin des Plantes, à Notre-Dame, aux Gobelins, au Panthéon, aux Invalides, à la Monnaie, etc., ou dans une usine où on leur donnait d’intéressantes explications. Quelquefois on allait dans les environs de Paris, à St-Germain, à Versailles, à Port-Royal-des-Champs.
Il est inutile de faire ressortir les avantages que présentaient ces promenades, qui sont de véritables leçons de choses. L’objectif devient subjectif et contribue à la formation de l’esprit et de la personnalité.
C’est ce qu’ont pensé les auteurs des premiers programmes de l’Ecole Alsacienne. L’idée fut pleinement approuvée par les parents, qui en voyaient l’utilité directe, et par la plupart des maîtres.
L’un d’eux, M. BOUGIER, professeur d’histoire (1875 à 1878), a pu dire : « C’était une innovation hardie, délicate, mais extrêmement heureuse. »
Elle était hardie, parce qu’elle rompait d’une façon éclatante avec les habitudes des cours officiels.
Ce n’était guère agréable, sans doute, pour le professeur, d’aller chercher ses élèves à l’Ecole, de les surveiller pendant le trajet parfois assez long, de les ramener soit chez eux soit au quartier général. Les maîtres pourtant s’acquittèrent de bonne grâce de leur fonction, en dehors des classes ordinaires. Le Directeur ou le sous-directeur accompagnait souvent les élèves. Les cas d’indiscipline ou de désordre ont été rares, les enfants se tenaient ordinairement fort bien, ce qui facilitait la tâche du conducteur. Un autre but de ces promenades a été d’éveiller et de nourrir la curiosité de l’enfant et du jeune homme, de régler l’imagination, de mieux faire connaître le passé comparé au présent, de faire naître de salutaires émotions. Quant au professeur qui guide les promeneurs, il apprend à mieux connaître ses élèves, leur caractère, à mieux se rendre compte de leurs dispositions intellectuelles et morales, de leur sensibilité et de leur vie intérieure.
On comprend mieux maintenant qu’on ait appelé ces promenades « instructives » et combien est utile l’enseignement par l’aspect, la théorie illustrée par la pratique.
Il est incontestable que les promenades bien comprises font partie de l’éducation, au point de vue littéraire, scientifique et esthétique. Elles ont été supprimées ou au moins très réduites depuis la guerre, et cela pour des motifs bien fondés. Nous regrettons la disparition de ces exercices qui ont donné dans le temps de très beaux résultats.
Outre les excursions lointaines fort intéressantes comme, par exemple, celle qui a été faite dans les Vosges, je me fais un plaisir de rappeler qu’un voyage, un vrai voyage cette fois, a été accompli en Angleterre, ce qui constitue un fait marquant de notre histoire.
En 1907, M. LASSIMONNE, notre premier pensionnaire, professeur de Français au Royal Naval College d’Osborne, a invité ses camarades de l’Ecole Alsacienne à se mesurer avec une équipe dudit collège. Le Conseil d’Administration accueillit cette proposition d’autant plus volontiers que M. LASSIMONNE avait déjà mis ses élèves, « les Cadets », en relation avec les nôtres, par une correspondance aussi intéressante qu’utile ; chaque groupe écrivait dans sa langue.
Il fut donc décidé que notre équipe, composée de 14 jeunes gens, traverserait la Manche, sous la conduite du sous-directeur, M. BREUNIG, accompagné de M. Jean CHARCOT, notre ancien élève, très au courant de la langue anglaise. Après une bonne traversée, nos jeunes gens furent admirablement reçus par le directeur du Royal College, par les officiers et les professeurs. Tous nos jeunes voyageurs se faisaient remarquer par une tenue irréprochable. Après une lutte où les Cadets eurent l’avantage, grâce à leur entraînement quotidien, M. Jean CHARCOT fit, sur son voyage au pôle Nord, une conférence avec projections qui eut un immense succès. M. LASSIMONNE témoigna, dans une belle allocution, de son attachement à la France et l’Ecole Alsacienne. Ensuite le Directeur du Collège anglais adressa à ses hôtes des paroles de remerciements et de sympathie pour la France. M. BREUNIG répondit par une brève allocution et invita les Cadets et leurs chefs à venir à Paris. Ils vinrent peu de temps après, le 11 novembre 1907.
Les voyageurs anglais furent reçus à Paris par plusieurs familles et se réunirent, après le jeu, dans notre salle de gymnastique, où le directeur, M. Th. BECK, leur souhaita la bienvenue et témoigna de sa grande joie de voir l’Angleterre et la France unies dans un même sentiment. Avant son départ, l’équipe d’Outre-Manche fut invitée par l’infatigable M. CHARCOT et le persévérant M. BREUNIG à visiter quelques monuments (Hôtel des Invalides, Musée de la Marine, du Louvre, Notre-Dame, etc...).
Ce furent des fêtes très simples, mais émouvantes, qui laissèrent dans les esprits et dans les coeurs de profonds et durables souvenirs. Un lien précieux unissait ainsi la jeunesse d’Angleterre et celle de France.
Les promenades sont devenues malheureusement de plus en plus rares, à cause du nombre toujours croissant des élèves et de l’organisation des études ; elles ont été pourtant maintenues en principe et rappellent le bon vieux temps.
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