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Solfège et chant

L’École alsacienne, à peine sortie de son berceau...

Article du 8 septembre 2011, publié par PO (modifié le 8 septembre 2011 et consulté 365 fois).

Théodore Beck : Mes souvenirs, 1890 - 1922

SOLFÈGE ET CHANT

L’Ecole Alsacienne, à peine sortie de son berceau, a donné au solfège et au chant une place importante dans ses programmes (1876). Il était tout naturel qu’ils fussent compris dans l’enseignement en général et, en particulier dans l’éducation, surtout dans celle du sentiment. L’enfant est, par instinct, très sensible à la musique, au chant qui frappe agréablement son oreille à peine formée ; la musique lui fait éprouver de très bonne heure de délicates émotions. Qui ne se rappelle la tendre berceuse qui calme les tout petits et met dans leurs yeux un délicieux sourire ? Ce sont des impressions qui se gravent profondément dans l’âme. Un peu plus tard, le chant semble mettre de la vie dans tout ce qui entoure les enfants, embellit l’existence et donne comme un avant-goût de ce qui est beau et attrayant.

Les organisateurs de notre oeuvre d’éducation ont donc été bien inspirés en faisant valoir et en développant, dès le bas-âge, un don naturel qui, méthodiquement cultivé, joint à merveille l’utile à l’agréable.

Notre premier maître de solfège et de chant a été Monsieur WELSCH, grand amateur de musique appropriée aux enfants (1876-1887). A ce moment, une commission chargée de l’enseignement musical recommanda avec chaleur, pour les classes de I0e et 9e, la méthode CHÈVE, alors très en vogue. M. Charles DE BILLY et le Docteur JAVAL, membres de la commission et tous deux très compétents en cette matière, firent valoir cette méthode auprès de leurs collègues du Conseil, dont la majorité se prononça pour le statu quo, pour des raisons d’ordre financier.

M. WELSCH fut secondé à. ce moment, pour quelques temps, par M. MORET, jeune artiste plein d’avenir, neveu de notre ami M. VEDEL, professeur de 9e. L’Ecole eut aussi la bonne fortune d’obtenir le concours de M. Charles PIERME qui, pendant 34 ans, sut inspirer à la plupart de ses élèves le goût de la musique (1883-1917). M. PIERME était artiste de sa nature et admirablement doué pour faire aimer son enseignement. Enfants et parents étaient enchantés. Ce maître eut comme collègue, en 1905, M. AUGE qui, pendant 16 ans, appliqua une méthode originale et séduisante. Sa santé le força, hélas ! à nous quitter. Il fut remplacé par Mlle R. GODIN (1919), qui était chargée des classes de 8e, 7e, 6e et 5e où elle donnait un enseignement simple, méthodique et intéressant. Elle remplit encore aujourd’hui sa fonction à. notre pleine satisfaction.

Ses élèves étaient, du reste, bien préparés par M. BONNET, à qui étaient confiés les tout petits de 10e et 9e. Spécialiste remarquable, M. BONNET eut sur les commençants, au point de vue musical et éducatif, une bonne influence.

Le solfège présente, au début, quelques difficultés, quand il s’agit de la théorie ; mais ces difficultés disparaissent quand, peu à peu, on y joint des notes qui s’expriment par la voix. C’est le secret des maîtres et maîtresses qui, à l’Ecole Alsacienne, donnent un frappant exemple.

Les premières leçons ont pour objet le sens et la valeur des signes, des notes. Elles commencent en 9e et continuent en se développant peu à peu, jusqu’en 6e inclusivement, voire même jusqu’en 5e, pour les élèves au courant du solfège. On enseignait d’abord de petits chants enfantins qui faisaient la joie des jeunes apprentis ; ils écoutaient avec une attention et une curiosité qui ne faisaient que croître, quand on leur apprenait des chants plus difficiles, quoique fort simples. Beaucoup d’entre eux attendaient avec impatience les moments consacrés à la musique. Nombreux et variés étaient les morceaux parlés et chantés. Le professeur choisissait de préférence, chose naturelle, ce qui était plus facile à retenir et surtout ce qui produisait dans le coeur de l’enfant de bienfaisantes émotions, ce qui pouvait agir sur le sentiment religieux et moral. (Vieilles mélodies sur la famille, le pays, la nature, l’amitié, la charité principalement, l’amour de la patrie.)

Les résultats constatés par la direction et par les parents ont été et sont encore remarquables, si bien que l’on doit regretter que les leçons d’harmonie n’aillent pas au delà de la 5e. Nos petits musiciens sont toujours très appréciés et fortement applaudis quand, à la séance de fin d’année, ils exécutent gaiement, avec un parfait ensemble, quelques morceaux de leur répertoire. Il va sans dire, que dans le programme, les airs populaires de notre vieille et fidèle Alsace sont loin d’être oubliés.

Au bienfait naturel de la musique, il faut ajouter les avantages que possède le chant au point de vue de la langue maternelle. Il apprend à bien prononcer les syllabes et les mots, à bien articuler, à observer les nuances, à lire, à s’exprimer nettement, à baisser ou hausser la voix pour éviter la monotonie. Tout cela est familier à nos élèves.

En somme, garçons et filles rivalisent de zèle, quand ils interprètent un petit morceau à une ou deux voix, qu’ils s’empressent d’apprendre par coeur. Ils semblent comprendre que paroles et chants expriment les accents de l’âme humaine, et nous ajoutons qu’ils sont un élément de noble distraction dans le cercle de la famille et des amis.

L’Ecole Alsacienne, s’inspirant là aussi de l’Alsace, a compris que la musique vocale, dont l’enseignement s’arrête, hélas, dès la 5e, a une influence morale, et qu’elle est aussi un élément d’allégresse et de saine gaieté.

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