Sommaire
Recherche
Connexion
Discipline. Punitions et récompenses
Le régime disciplinaire, c’est-à-dire la manière de comprendre et de pratiquer la discipline...
Théodore Beck : Mes souvenirs, 1890 - 1922
Le régime disciplinaire, c’est-à-dire la manière de comprendre et de pratiquer la discipline, à l’Ecole Alsacienne, est une heureuse innovation. Elle a été l’objet des plus vives préoccupations des promoteurs de la nouvelle institution, a été maintenue dans son ensemble et dans ses détails jusqu’à nos jours et a servi de modèle à d’autres établissements d’enseignement secondaire. Tout à fait différent des systèmes autrefois en vigueur, notre régime a obtenu, par sa manière de comprendre l’autorité et la liberté, un incontestable succès. Ce qui le caractérise, c’est le fait d’être paternel, ennemi de toute contrainte, de toute mesure imposée, commandée, et d’avoir spécialement en vue le développement de la personnalité et de la vie morale.
Toute paternelle qu’elle soit, la discipline, telle que nous l’entendons, ne manque pas de fermeté, de vigueur, de sévérité ; mais l’essentiel, selon nous, c’est l’action directe et continue exercée sur la conscience, la volonté, et surtout sur le coeur considéré comme le moteur par excellence. La discipline est la soumission rigoureuse aux lois et aux règlements, que les enfants et les jeunes gens doivent volontairement mettre en pratique. Elle n’a guère de valeur, si l’on s’y soumet par crainte de la punition. Pour être vraie et féconde, il faut qu’elle soit librement consentie. Dans ce cas seulement elle peut avoir une influence bienfaisante sur le travail, les études et la vie tout entière de la jeunesse scolaire. Nous pensons que la discipline est la condition essentielle de la régularité des études et du progrès et, par conséquence, d’une fructueuse culture de l’esprit ; elle est aussi une école de moralité, puisqu’elle apprend à aimer le travail et à remplir le devoir sans contrainte. En somme, elle est, selon nous, l’art de se faire obéir, et de donner à la jeunesse de bonnes habitudes.
Quels sont les moyens les plus efficaces pour arriver à ce but ? Il faut, avant tout, suivant les principes de l’Ecole Alsacienne, gagner le coeur des élèves, les traiter différemment, mais les aimer également ; il faut aussi que la Direction et les maîtres soient absolument justes dans leur manière de juger, de parler et d’agir, qu’ils évitent d’humilier, de froisser leurs disciples, qu’ils tâchent d’éveiller et d’accroître leur amour-propre, qui est le principe du respect de soi-même et, par conséquent, de la dignité personnelle.
L’encouragement, enfin, est un moyen d’action et d’influence aussi puissant que le découragement est une force déprimante.
Pour qu’une grande partie de l’idéal pédagogique soit réalisée, il est de toute nécessité qu’un lien d’affection unisse ceux qui enseignent et ceux qui apprennent. C’est ce que nous cherchons à l’Ecole Alsacienne. Un professeur qui n’aime pas ses élèves n’a aucune prise sur eux ; il leur inspire de la crainte, mais pas de confiance ; son action reste stérile et son autorité en souffre. Il se contente de vains discours, de violentes sorties, de punitions maladroitement infligées, parfois même de mesures injustes. Un pareil homme ne comprend pas sa mission éducative. Il y aurait encore bien des choses à ajouter sur notre régime disciplinaire, qui a fait dire au célèbre savant Paul BERT, dans un magnifique discours prononcé à l’inauguration des nouveaux bâtiments : « Vous avez résolu avec succès un problème pédagogique de la plus haute gravité. »
Le problème, sans doute, est loin d’être complètement résolu, même à l’Ecole Alsacienne. Nous avons pourtant donné de bons exemples et obtenu de bons résultats. Un grand nombre de nos anciens élèves l’affirment hautement ; la preuve en est dans le fait qu’ils nous envoient leurs enfants et ceux de leurs amis. Pourquoi le problème de la discipline se pose-t-il plus nettement que jamais à l’heure actuelle ? Sans doute parce qu’on se heurte encore à des difficultés très diverses et fort difficiles à vaincre. Mais il y a d’autres raisons : souvent les parents, trop occupés par les affaires, négligent la surveillance de leurs enfants ; ceux-ci, jouissant de trop de liberté, ont de mauvaises fréquentations, font de mauvaises lectures.
Cet état de choses a toujours existé, mais à l’heure actuelle il est plus prononcé, car il y a un relâchement général dans la vie de famille.
L’Ecole Alsacienne s’efforce de remédier autant que possible à tous ces maux. Elle fait un travail de redressement, d’assainissement et s’acquitte ainsi de sa principale mission.
Punitions – Récompenses
On nous a souvent reproché un manque de sévérité, un excès d’indulgence et surtout de bonté, de cette bonté qui frise la faiblesse.
Il y a peut-être là un simple malentendu. Nous châtions quand iI le faut, quand la justice nous l’impose, mais nous n’oublions pas que notre impérieux devoir est de guérir les malades en les traitant suivant leurs besoins, en leur faisant sentir les conséquences du bien et du mal, en réveillant leur conscience souvent endormie et surtout en touchant leur coeur.
Nous pensons qu’infliger une punition extérieure, matérielle, pour des faits graves, est un non sens et une erreur pédagogique, parce que les coupables, une fois la punition faite, peuvent la considérer comme une réparation de la faute commise ; ils se croient en règle vis-à-vis de l’autorité, peut-être même de leur conscience trop indulgente. Ne vaut-il pas mieux faire naître en eux des regrets, faire comprendre au délinquant le mal qu’il se fait à lui-même ? Mais il faut le faire sans violence et sur le ton de la bonté. La nature des punitions dépend naturellement de la façon dont on comprend la discipline. Les châtiments dont on a abusé (pensums, retenues, consignes) sont, par principe, inconnus à l’Ecole Alsacienne, et cela, en partie, par mesure d’hygiène et aussi à cause des effets négatifs qu’ils produisent. Les professeurs sont eux-mêmes chargés de la surveillance pendant les récréations, l’entrée et la sortie : tout cela, pour obéir à l’esprit de famille qui domine toute notre organisation.
Selon nous, toute fonction doit avoir une influence morale, autrement elle ne signifie rien. Quand tous les moyens de relèvement sont épuisés, quand il y a danger pour les camarades, nous n’hésitons pas à prendre une mesure extrême, qui est le renvoi de l’Ecole. Cette mesure est prise après consultation du Conseil de Discipline et, par conséquent, du Conseil d’Administration qui tient à la qualité des élèves plus qu’à la quantité.
Le système des punitions est caractéristique chez nous. Les fautes de moindre gravité, telles que le bavardage en classe, l’inattention, la turbulence, l’agitation, sont passibles d’une observation de conduite, inscrite dans le carnet de correspondance quotidien, qui est présenté chaque soir aux parents et signé par eux. Une faute grave contre la morale, telle que le mensonge, l’insolence, la grossièreté, l’impertinente désobéissance, l’humeur batailleuse, parfois dangereuse et méchante, entraînent un avertissement infligé par le Directeur, sur un rapport du professeur. Trois avertissements entraînent l’exclusion temporaire (2 à 8 jours), suivant la gravité de la faute, et six avertissements ont pour suite, en principe, le renvoi du coupable.
Les punitions ont un caractère moral ; elles sont du reste toujours accompagnées d’un entretien privé, et produisent d’autant plus d’effet qu’elles sont relativement rares. Il faut ajouter que la conduite est un des coefficients du classement général, à Pâques et à la fin de l’année.
C’est, comme on voit, toute une révolution dans les habitudes scolaires ; celles-ci ont été aussi heureusement modifiées en partie dans bien des lycées et des collèges.
Les punitions sont nécessaires, c’est entendu, mais elles exigent, de la part des maîtres, de la prudence, de l’impartialité, du calme, de la patience et n’excluent même pas un rayon d’amitié qui produit toujours un bon effet.
A l’Ecole Alsacienne, la persuasion joue un rôle important et exerce une grande influence sur le caractère et la volonté. Nous ne sommes pas les seuls à penser que les châtiments doivent, avant tout, viser le sentiment moral ; ils doivent corriger, rendre meilleur. Il nous semble important aussi que les punitions soient de nature différentes pourvu qu’elles produisent l’effet nécessaire quant à la santé morale.
Il en est un peu de même des récompenses qui, accordées avec parcimonie, sont très appréciées : ce sont « les bonnes notes » que les petits, enchantés, rapportent triomphalement chez eux. Dans les classes supérieures, ces bonnes notes sont inscrites sur une feuille à part, pour faire partie du classement général. Cette récompense n’est pas seulement décernée, dit avec raison M. FISCHER, aux bons élèves, à ceux qui ont des facilités, mais aussi aux camarades moins bien doués, mais qui ont fait de sérieux efforts. Nous devons, à ce sujet, signaler une innovation caractéristique qui consiste à réunir, à la fin de l’année scolaire, les élèves méritants, classe par classe, dans le Cabinet du Directeur, devant le Conseil de Discipline. On leur adresse d’encourageantes félicitations, avec le voeu qu’ils continuent à donner un bon et bel exemple, comme amis du labeur, de l’ordre et de la valeur morale. Ce témoignage et cette confiance sont comme une semence qui ne peut produire qu’un bon fruit. Pour ce qui concerne les mentions décernées aux élèves méritants, nous renvoyons le lecteur au chapitre Propagande.
Nous n’oublions certes pas, c’est pour nous chose essentielle, que la meilleure des récompenses pour nos élèves est celle que leur décerne leur conscience, c’est la satisfaction intime que leur donne le sentiment du devoir accompli, satisfaction d’autant plus réelle, plus douce et plus vive qu’ils la sentent partagée par leurs maîtres, par leur famille, et parfois même par leurs camarades.
École alsacienne - établissement privé laïc sous contrat d'association avec l'État
109, rue Notre Dame des Champs - 75006 Paris | Tél : +33 (0)1 44 32 04 70 | Fax : +33 (0)1 43 29 02 84