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La Malédiction du collier, par Valentine Messina

Article du 4 juin 2012, publié par PO (modifié le 5 juin 2012 et consulté 257 fois).

La Nouvelle vague fantastique : Table des matières


La Malédiction du collier

Valentine Messina

Je marchais à travers les feuilles d’automne contre le vent qui se levait à mesure que le soleil déclinait. Je ne pensais pas aux larmes chaudes qui coulaient le long de mes joues. Je me remémorais le discours que j’avais prononcé lors de l’enterrement de mes parents et qui avait tant ému l’assistance. Ma mère était décédée suite à un incendie et mon père, emporté par la douleur s’était donné la mort. J’étais livrée à mon triste sort. Il ne me restait plus que ma grand-mère paternelle comme famille.

Arrivée enfin à la maison, je la trouvais sanglotant repliée dans son fauteuil. J’avais besoin de solitude et me refugiai dans ma chambre. La nuit s’annonçait orageuse. Le ciel s’assombrissait déjà. Les persiennes battaient et m’empêchaient de dormir. Ma montre affichait trois heures treize. Je décidais donc de me rendre au grenier pour revoir les affaires de mes parents qui y avaient été déposées. La porte était entreouverte et une lueur jaunâtre fendait la nuit. Attirée vers cette étrange lumière, je m’avançai. Le sol craquait, la porte grinçait, le vent tapait. Je fus saisie de frissons et me retrouvai complètement désemparée en découvrant que cette mystérieuse lueur provenait du collier de ma mère. Ce bijou-même qui un beau jour avait disparu. Instinctivement je l’accrochai à mon cou et à ce moment j’entendis la voix de ma mère : « Non ! » Son cri déchira le silence et me glaça. Reprenant mes esprits, je parcourus la pièce du regard, scrutant chaque endroit, mais il n’y avait personne. Etait-ce un songe ? Prise d’effroi, je redescendis me coucher. Mon sommeil fut agité. J’y revoyais mes parents, mes ancêtres et ce fameux collier était présent à chaque image.

La voix de ma mère m’avait hantée toute la nuit et le lendemain matin je ne pus m’empêcher de retourner au grenier. Munie d’une bougie, avançant à pas feutrés, toute tremblante je pénétrai dans la salle. La poussière s’élevait sur mon passage et semblait danser dans la faible lueur de ma bougie. Parmi le bric-à-brac était posée une malle dans laquelle avait été déposé le livre des décès. Que contenait ce livre ? Je devais connaître la vérité. Mais quelle vérité ? A quoi devais-je m’attendre ? D’une main tremblante je soulevai le livre et le déposais sur mes genoux mais en l’ouvrant je fus prise d’angoisse. J’entrepris de lire les premières pages. Plus j’avançais dans la lecture, plus j’étais tétanisée. J’appris que toutes les femmes de ma famille avaient étrangement péri dans un incendie. Mes jambes se dérobaient sous moi. Je fus prise de panique, j’avais la respiration coupée. Etait-ce une malédiction ? Mourrais-je moi aussi brûlée ? Tout à coup le collier s’anima. Il sautait, tournait, gigotait. Le pierre devint lourde et émettait un son sourd. Elle était tiède, puis chaude, puis brûlante sous ma peau frêle, je devais soulever la pierre de mon corps de peur d’être brûlée. Je voulais enlever le collier, le détacher, l’arracher, le décrocher mais il résistait ce maudit collier. J’y mettais toutes mes forces mais rien à faire. Je fus prise de panique et m’enfuyai claquant la porte du grenier courant dans ma chambre et fermant la porte derrière moi. Haletante je me laissais glisser contre ma porte, le collier s’excitait de plus belle. J’avais encore sous mon bras ce funeste livre des décès. Il m’était impossible d’enlever ce collier.

En tailleur sur mon lit je continuais ma lecture. Dans ce même livre j’avais découvert qu’en l’an 1314, mon ancêtre, Blanche de Bourgogne, avait été injustement condamnée. Apparemment je venais de la lignée de la sœur de la victime. Cette sœur l’avait dénoncée à tord de sorcellerie pour garder l’héritage familial. La victime avant de périr sur le bûcher aurait crié « Les descendantes de ma sœur seront damnées jusqu’à ce que mon âme soit vengée ! » Je regardai attentivement le dessin qui suivait l’histoire. Blanche était une femme avec des fossettes et un nez assez fin. Ses yeux étincelants et pleins de colère m’intriguaient. Elle avait une peau étrangement pâle. Elle portait le collier, celui qui était accroché à mon cou à ce moment-même. Elle était représentée attachée sur une chaise sur une place publique. Elle attendait surement l’installation de son bûcher. Je relevais la tête car le collier était enfin redevenu calme. Mais quelle ne fut ma stupeur lorsque je découvris avec horreur la silhouette droite de Blanche qui me regardait.

Mais oui, c’était elle ! Elle lui ressemblait tellement. La nuit était déjà tombée et la lune éclairait son visage blême. Elle portait une ample robe blanche on aurait dit un cygne. Elle me regardait avec insistance et marchait, non plutôt volait car on ne voyait pas ses pieds, vers la porte. Un léger rictus m’incita à la suivre. Le collier se resserra autour de mon cou. Je n’étais plus maîtresse de mes pensées. Je subissais son pouvoir sur moi. Elle m’entraîna dans la forêt. J’avais la chair de poule et sentais mes membres se raidir. Malgré la crainte et la douleur, ses yeux bleus m’ordonnaient de la suivre et je percevais un soupçon de joie dans ceux-ci. Elle m’attira dans une église abandonnée. J’entendis à nouveau ma mère hurler un « Non ! » sorti des enfers. Mais impossible de raisonner, impossible de me contrôler, impossible de résister à la curiosité et de la suivre.

Le spectre de mon arrière grand-tante était là, dans les catacombes de l’église où elle avait réussi à me mener. J’étais prise au piège. Blanche m’avait enfermée et je distinguais son sourire malicieux derrière la porte verrouillée. Elle me laissa seule. Trop tard, l’odeur répugnante du brûlé me fit sursauter et je découvris que les flammes dansaient autour de moi. Je me mis à crier des sons inaudibles. Les flammes me léchaient le visage et la fumée me piquait les yeux. La malédiction s’accomplissait. Je serrai le collier de maman. Dans un dernier geste j’enfonçai mes mains dans mes poches et ressortis une boite et une allumette consumée. Mon sang ne fit qu’un tour. Avais-je mis le feu à cette église ? Étais-je folle ? Je ne disposais plus du temps nécessaire pour réfléchir. Je partais déjà dans les ténèbres profondes.

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