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Le Ballet de cristal, par Chloé Leblanc

Article du 4 juin 2012, publié par PO (modifié le 5 juin 2012 et consulté 169 fois).

La Nouvelle vague fantastique : Table des matières


Le Ballet de cristal

Chloé Leblanc

C’était un soir où je me couchais, épuisée par la dure journée de cours laborieux. Malgré mon envie de me laisser aller dans mes rêves étranges, je n’y parvenais pas. Je ne sais pas combien de temps j’attendais, si c’était des minutes ou des heures entières. Je fixais le sombre plafond, attendant que le sommeil me gagne mais il ne venait pas, comme s’il me taquinait à ne pas arriver en ce moment où j’étais censée dormir. Enervée, je me retournai, je changeai de position mais rien n’y fit. Je me résolus donc à compter pour la cinquième fois le nombre de pois qu’il y avait sur ma couverture. 374. Pourquoi ne m’endormais-je pas ? Pourquoi n’arrivais-je pas à fermer l’œil alors que mes parents ronflaient déjà ? Est-ce que si je m’étais endormie ce soir-là, rien ne se serait passé ?

Alors que je perdais tout espoir de trouver le sommeil, une lueur au coin de mon œil attira mon attention. Posé sur mon étagère, quelque chose brillait. Je reconnus la forme, quoique indistincte. Il s’agissait de mon cygne en cristal. Ma grand-mère m’avait offert un animal en cristal à l’occasion d’un Noël il y avait bien des années. Fascinés pas l’élégante sculpture, mes yeux ne pouvaient pas s’en détacher. Plus que fière d’avoir trouvé le parfait cadeau, ma grand-mère m’offrait désormais à tous mes anniversaires et Noëls, une figurine en cristal. Elle le faisait à chaque fois ; alors mon frère et moi pariions sur quel animal j’allais tomber cette année. Quoique fragiles et inutiles, je ne me lassais jamais de leur beauté. Je fronçai les sourcils : pourquoi ce cygne brillait-il comme en plein jour alors que les volets étaient fermés, les rideaux tirés, la porte fermée et les lumières éteintes ? Alors je n’étais pas la seule à ne pas dormir ? je souris à ma réflexion absurde. Mes animaux de cristal n’étaient pas vivants mais je m’imaginais parfois qu’ils l’étaient. Quand soudain la chose qui se passa arrêta ma respiration et probablement mon cœur aussi.

Le cygne remua. Il tourna son cou comme pour se détendre. Je fermai les yeux, je m’imaginais trop de choses mais avait-il vraiment bougé ? Mon cœur commença à battre et mes cheveux se hérissèrent. Il fallait que je rouvre les yeux, juste pour vérifier, juste pour m’assurer que ce n’était que le fruit de mon imagination. Je n’aurais pas dû ! J’aurai dû attendre le matin pour les rouvrir ! Mais non, persuadée que ce n’était qu’un rêve et qu’il fallait seulement vérifier, je les rouvris. Le cygne était encore dans sa nouvelle position…Mon cœur s’accéléra. Mes ongles s’enfoncèrent dans le coussin. Je mordis mes lèvres jusqu’à ce qu’un goût de sang se fit sentir sur ma langue. Je rêvais, j’en étais sûre mais pourquoi ne me réveillais-je donc pas ?

Soudain un bruit d’orage retentit et la pluie commença à tomber. Instinctivement, je tournai la tête vers la fenêtre de ma chambre d’où le son venait. Puis je fixais de nouveau mes yeux sur l’étagère où des événements anormaux venaient de se produire et je poussai un cri. C’était un mélange de surprise et d’effroi. Toutes les statuettes avaient les têtes tournées vers la fenêtre, comme moi, quelques secondes plus tôt.

Alors, une à une, les formes de cristal se détendaient, comme pour s’étirer après être restées trop longtemps dans une position. Je restai pétrifiée, la bouche grande ouverte, me sentant défaillir. Mais quelque chose d’autre qui se passa m’obligea à garder les yeux ouverts. Les animaux commencèrent à se déplacer. Les quatre pattes se déplacèrent lentement, se balançant d’un appui à l’autre, gracieusement et solennellement. Les animaux marins filèrent, comme nageant sur l’étagère. On eût même dit qu’ils volaient aussi quoique posés sur le bois. Chacun de ces animaux faisait son chemin, se déplaçant tellement gracieusement qu’on aurait dit qu’ils dansaient. Ils glissaient sur le bois de l’étagère avec tellement de légèreté qu’on aurait dit des danseurs étoiles. La fusion de leur allégresse, toutes leurs beautés, on aurait dit un bal tout droit sorti d’un conte de fées. Je crus même entendre une mélodie qui semblait suivre les danseurs et non inversement.

J’aurais pu croire que c’était le Lac des cygnes devant moi. L’allégresse, la beauté, la musique… Tout semblait s’accorder comme dans la célèbre danse avec une finesse incomparable. Le temps passa et je ne pouvais plus détacher mes yeux de l’étagère enchantée. Je me sentais bercée par la musique : on aurait dit un orchestre entier. Le tempo était régulier, la mélodie familière mais je n’avais pas assez de conscience pour l’identifier. Je me rendis compte que je m’étais mise en position assise, aspirée par la musique. Je me balançais moi-même de gauche à droite, me berçant, flottant… Le temps semblait démesuré et je ne sais pas quand ni comment, submergée par le sommeil, je m’endormis.

Le lendemain, je me réveillai difficilement ; mes yeux voulant se refermer et ma conscience se battant pour les garder ouverts. C’était comme si j’avais été réveillée toute la nuit. Non, j’avais vécu un rêve, voilà tout. Mais pourquoi semblait-il si réel ? Pourquoi étais-je si fatiguée ? Des cernes se dessinaient sur mon visage. C’est avec effroi que je découvris, quelques jours plus tard, mon cygne encore dans sa nouvelle position. Je ne revis jamais bouger mes statuettes de cristal…

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