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Mai 68 et la naissance du CQ
Mai 68 n’a pas épargné l’École alsacienne. Des débats passionnés ont eu lieu ici comme partout ailleurs. Quelles inovations institutionnelles et pédagogiques doivent être mises en place ? La constitution du comité quadripartite est l’un des résultats de ces débats et réflexions. Dans son Histoire d’une institution française : l’École alsacienne, Georges Hacquard, alors directeur de l’école, replace l’événement dans son contexte.
« [...] Une notion s’était profondément ancrée, certes déjà vivante dans l’esprit du personnel, mais qui allait représenter désormais de façon consacrée l’assise même de la Maison : le sens de la responsabilité collective. Cela s’était traduit par la tentation de la cogestion. Mais avec le temps, la réflexion, l’échec politique de la rébellion, la sérénité et la lucidité de la direction de l’École, la “commission de cogestion” s’était transformée en “comité constituant d’un statut de comité quadripartite”.
La responsabilité ne se dilue pas. Mais elle peut, et sans doute doit-elle, être perçue solidairement par tous ceux qui se sentent partie prenante d’une communauté. La responsabilité officielle d’une école incombe au chef d’établissement, mais les quatre “familles” qui constituent cet établissement – direction, personnel, élèves, parents – peuvent revendiquer leur part. Il était étonnant qu’à l’École alsacienne, qui disposait d’un comité intérieur pour le personnel, d’un conseil des élèves, d’un comité de parents indépendant de toute centrale, on n’ait jamais songé à créer cette structure fédérative, qui allait, dans l’avenir, se révéler d’une extrême importance dans la vie de l’École.
Une assemblée générale du personnel réunie par le directeur le samedi 8 juin [1968] avait élu six représentants en vue du comité constituant qui serait composé de vingt-quatre membres. [...] Élaboré le l0 octobre et destiné à ne “prendre effet qu’après ratification par les assemblées générales du personnel, des élèves et des parents, avec l’approbation du conseil d’administration de l’École et du directeur”, le statut précisait que le comité était consultatif, excepté dans les secteurs où, d’accord avec la direction, il pourra avoir pouvoir de décision. Cette création, énonçait l’article l, “répond à la volonté d’une remise en question et d’une mise à jour permanente et concertée des objectifs de l’éducation et du rôle de l’École dans le monde. Elle postule un sentiment profond des intérêts collectifs, la pleine conscience des tâches et des devoirs qui en découlent, la persévérance nécessaire et une indispensable détermination d’efficacité tant sur le plan matériel que moral.”
Article 2 : “Les domaines de compétences, lesquels ne sauraient, bien entendu, contrevenir aux dispositions légales contractuelles et statutaires concernant les responsabilités tant du conseil d’administration de l’École que du directeur La fameuse loi Falloux de 1850., sont les problèmes d’intérêt général en matière pédagogique et d’éducation : discipline, contenu de l’enseignement, méthodes d’enseignement, emploi du temps des professeurs et des élèves, etc. En matière financière, et notamment d’achats, de travaux et de construction, domaine relevant du seul conseil d’administration, le comité est consulté avant toute décision importante.”
Le comité sera composé de sept membres de la direction, de sept représentants élus des parents, de neuf représentants élus du personnel et de neuf représentants élus des élèves du second cycle. [...] Les résolutions envisagées seront proposées à la décision du directeur, à qui reviendra la charge de l’application. Le directeur, en fonction de son statut propre, pourra, bien entendu, s’opposer à telle d’entre elles ; mais un directeur ouvert et pondéré s’abstiendra d’imposer un avis minoritaire. Le comité quadripartite, de par sa légitimité indiscutable, doit pouvoir devenir pour la direction de l’École un organe extraordinairement précieux. Il sera pratiquement en état de fonctionner peu après la rentrée de 1968.
Quelle différence avec les conseils d’administration nouveau style dont le ministère a doté les établissements publics ! [...] Durant un long premier trimestre, proviseurs, élèves, professeurs guetteront la promulgation des textes, et quand le cadeau – “octroyé”, donc empoisonné arrivera, les critiques seront plus nombreuses que les témoignages de gratitude. Critiques apparemment légitimes, la composition et les pouvoirs du conseil ne donnant satisfaction à personne. [...]
Passant au domaine financier, quel pouvoir représentait un conseil dont les décisions n’étaient applicables que si, dans les trois mois, l’autorité supérieure n’avait pas manifesté son désaccord ? Ainsi, une action qui semblait souhaitable à tous ne pouvait-elle être entreprise qu’après un trimestre – le tiers de l’année – de suspense ! Vraiment, au-delà de Mai 1968, il restait encore à l’Éducation nationale beaucoup de vrai pain sur la planche ! [...] »
Georges Hacquard, Histoire d’une institution française : l’École alsacienne, Paris, Association des anciens élèves de l’École alsacienne, 2000, tome IV, pp. 287-288.
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