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L’Islande, telle qu’elle m’est apparue, par Léa Filiu, TS4

Article du 10 mars 2011, publié par PO (modifié le 6 janvier 2011 et consulté 255 fois).

L’Islande est un pays étrange, où les couleurs semblent irréelles et le temps infini. Cela je l’avais pressenti dès mon trajet en autocar au sortir de l’aéroport. Assise à côté d’un Néerlandais plus préoccupé par ses chips achetés en Duty Free que par le paysage, je dévorais déjà des yeux tout ce qui nous environnait et devant lequel nous passions beaucoup trop rapidement à mon goût.

J’ai décidé de partir pour l’Islande à la mi-juin, en m’inscrivant à un programme de volontariat au sein d’un chantier international bénévole du 1er au 14 août 2010. Je suis partie seule sur un vol Paris-Reykjavik avec pour seul point de repère une heure et un lieu de rendez-vous. Un pari plutôt risqué finalement, mais qui a bel et bien tenu. Il s’agissait d’un programme de deux semaines appelé « Reykjavik Photo Marathon », organisé par l’association islandaise SEEDS (SEE beyonD borderS) et que j’avais trouvé par l’intermédiaire de l’association française Jeunesse & Reconstruction. Le programme consistait principalement en un travail culturel et social autour de la photographie. Accompagné d’un photographe professionnel, nous faisions donc des sessions de photographie (y compris du travail en studio) afin de monter une exposition en partenariat avec la municipalité sur le thème de l’Islande et du développement durable.

Faire de la photographie, surtout si on la veut vivante, demande nécessairement un rapprochement entre le photographe et les personnes qu’il souhaite photographier. Il nous fallait donc « vivre à l’islandaise, nous « islandiser » en quelque sorte, afin de nous faire accepter, car l’Islande est un pays à la fois très accueillant et d’une rugosité extrême. Vivant dans une école primaire alors que les enfants étaient en vacances, dormant sur des matelas dispersés dans les salles de classe, la nouvelle de notre présence s’est assez vite propagée dans Reykjavik, si bien qu’au bout d’une dizaine de jours, les gens nous reconnaissaient dans la rue, se confiaient davantage, nous proposaient même parfois de venir passer le week-end en famille plus en avant des terres ou bien de faire un tour de bateau avec eux, fiers de leur petite île balayée par les vents. Le 7 août est organisée la Gay Pride à Reykjavik, une fête en l’honneur des homosexuels, certes, mais qui réunit l’ensemble de la nation en une fête très populaire et familiale. En tant que volontaires, nous avons donc aussi participé à l’organisation de cet évènement, notamment à la sécurité et l’encadrement des spectateurs au cours du défilé de chars.

Ce qui frappe tout d’abord lorsque l’on pose le pied en Islande, ce sont les couleurs, extraordinaires, et les paysages, déserts, sans aucune végétation à proprement parler, comme on n’en imagine nulle part autrement que dans nos rêves. Mais ce sont aussi et surtout les nuages, cotonneux, qui m’ont impressionnée, si proches, me semblait-il, que j’aurais pu les caresser rien qu’en tendant le bras, et pourtant, cet espace, ce vide, si énorme que l’on dirait qu’il n’est plein de rien, qu’il n’est que lumière et que déjà l’atmosphère terrestre n’y est plus la même. Sans surprise, de retour à Paris, les rues étroites et les immeubles m’empêchent d’apercevoir le ciel et m’oppressent.

Mais en Islande, il y a aussi cet isolement terrible que l’on pressent. Le continent le plus proche est le Groenland, à 230 kilomètres de Reykjavik, et puis plus rien. Les journaux ne traitent en Islande que des problèmes locaux, aucune nouvelle ne nous parvient de l’extérieur, qui nous semblait par ailleurs à des milliers de kilomètres de là, loin, très loin, comme sur une autre planète. L’Islande nous semblait pouvoir disparaître sans que personne ne s’en rende compte. En août, il fait jour une vingtaine d’heures environ. A l’inverse, l’hiver, c’est la nuit continue qui engloutit l’île et ses habitants, qui sont nombreux alors à rejoindre l’Europe pour quelques mois. Les Islandais parlent majoritairement anglais, ou bien allemand, selon la génération, et il est même parfois préférable de parler allemand. Cependant, il existe aussi des Islandais, beaucoup plus âgés, qui ne parlent rien d’autre que l’Islandais et n’ont sûrement jamais quitté leur pays natal. A ceux-là, les étrangers apparaissent comme des fantômes venus du bout des mers. Les Islandais sont aussi un peuple qui peut paraître parfois très triste ou découragé. Plusieurs fois, il m’a été demandé ce que je pouvais bien chercher en venant jusque là. Le soir, les gens boivent, dans des bars ou des « buvoirs », qui ferment relativement tôt, avant que les consommateurs ne soient trop alcoolisés pour ne plus pouvoir rentrer chez eux. La jeunesse souhaite généralement partir et nombre de jeunes filles tombent enceintes très tôt.

Reykjavik n’est pas représentative du pays, comme j’ai pu le voir lors de notre excursion à Viq, à la pointe Sud de l’île. En Islande, les gens ne semblent pas être réellement installés : depuis le IXe siècle, c’est comme si les Islandais avaient posé provisoirement leurs bagages et attendaient une prochaine transhumance, sans arriver à se décider s’il faut partir ou rester. La nature règne en maîtresse absolue sur l’île, et rappelle à l’homme le ridicule de sa force face à la puissance naturelle du lieu. Finalement, il y aurait beaucoup à dire sur l’Islande, pays paradoxal, qui tout à la fois nous fait croire à l’impossible et nous confronte aux réalités les plus rudes.

Léa Filiu, novembre 2010

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