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L’École alsacienne en Chine (1984)

Article des Cahiers de l’École alsacienne, n°47, 1984

Article du 13 avril 2014, publié par PO (modifié le 13 avril 2014 et consulté 585 fois).

L’École alsacienne en Chine

Les monts Taihang et Wangwu avaient une superficie de sept cents lieues carrées et une hauteur de dix mille ren. Dans les montagnes du Nord vivait un simple d’esprit, âgé de quatre-vingt-dix ans, dont la maison faisait face à ces montagnes. La chaîne septentrionale obstruant ainsi le passage, il réunit sa famille et présenta le projet suivant : « Ne serait-il pas possible d’aplanir ces obstacles en unissant nos forces ? » Tout le monde approuva les propos du vieillard à l’exception de sa femme, qui était elle très sceptique : « Tu n’as même plus la force de soulever une motte de terre, dit-elle, comment vas-tu faire avec les monts Taihang et Wangwu ? Et puis, où allez-vous mettre toute cette terre et toutes ces pierres ? » Et les autres de répliquer : « Nous déverserons tout cela dans la mer Bohai ! » C’est ainsi que le vieillard, ses fils et ses petits fils se mirent à casser les pierres, à manier la pelle et à remplir des paniers de terre qu’ils déversaient dans la mer. Une voisine et son jeune enfant, qui en était encore à perdre ses dents de lait, vinrent aussi les aider. Un grand sage de l’endroit vint se moquer du vieux fou : « Grande est ta folie ! Avec le peu de force qui te reste à ton âge avancé, tu ne pourrais pas arracher le moindre brin d’herbe dans la montagne ! » Le vieillard des montagnes du Nord soupira et dit : « Dur est ton cœur ! Même si je dois mourir, mes enfants vivront et auront à leur tour des enfants, dont les enfants auront à nouveau des enfants ; des générations et générations se succèderont ainsi sans fin. Les montagnes, elles, ne s’élèveront pas. En quoi serait-il donc difficile de les aplanir ? » Le vieux sage resta coi.

L’Esprit qui régit les serpents apprit la chose et en référa au Ciel, lequel, ému, ordonna aux deux fils du Génie des Fourmis d’emporter les deux montagnes sur leur dos. (LIEZI)

Cette parabole, si célèbre en Chine que les quatre caractères qui en forme le titre ornent certaines montagnes sur plusieurs mètres de hauteur, me venait parfois à l’esprit durant ces longs mois de préparation d’un voyage inédit, durant tous ces jours qui précédèrent le 14 juillet, date à laquelle trente « Alsaciens » atteignirent Pékin. Pour la première fois, un groupe d’élèves et de professeurs d’une école secondaire française franchissait la Grande Muraille et effectuait un séjour linguistique en terre de Chine.

Nous rencontrâmes sur notre chemin quelques collines non négligeables, à pente très raide, qui répondaient au doux nom de Restrictions-sur-Contrôle-des-Changes, ou bien Obtention-de-Visas-de-Transit-à-Moscou. Dans la version actuelle de l’antique parabole chinoise, l’Esprit-qui-Régie-les-Serpents se présentait sous les traits de Monsieur Hacquard ; on reconnaissait facilement Mesdames Mathieu et Veber en Enfants-du-Génie-des-Fourmis, et dans les Cieux le ministère des Relations extérieures et l’ambassade de France à Beijing apportèrent une aide précieuse à cette entreprise. Les difficultés étaient importantes, mais les astres semblaient bien disposés dans la mesure où notre envol pour la Chine coïncidait avec certains anniversaires : le vingtième anniversaire de l’enseignement du chinois à l’École alsacienne ; également, à quelques mois près, le vingtième anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques entre la France et la Chine. C’était, enfin, plus modestement et plus personnellement, le dixième anniversaire de mon premier voyage en Chine.

Joël Bellassen, professeur de chinois

Article publié dans Les Cahiers de l’École alsacienne, n°47, 1984.

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