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Voyage à Florence : ils y survécurent tous (1994)
Cahiers de l’EA, 60, 1994
Voici le point de vue d’une mère d’élève, accompagnatrice, sur son équipe d’élèves de seconde lâchée à Florence en octobre 1993.
Rapport sur le groupe infortuné qui héritait d’une mère geôlière lors d’une escapade en Italie où il était précisément proposé de démontrer ses facultés d’adaptation au modèle humaniste florentin en échappant à toute autorité en vertu des douceurs climatiques bien connues de la Toscane... Cela commença par la tour de Pise qui tombait désespérément à la mesure de nos paupières dramatiquement lourdes à l’issue d’une nuit courte ; il faut dire qu’après une prise de connaissance timide et réservée sur le quai de la gare de Lyon — où déjà les lires s’envolaient sous le train...! —, nous avions résolument décidé de faire la paix pour la durée de l’épreuve en rigolant au maximum même si l’œil professionnellement sévère de Monsieur le Censeur nous surveillait de près dans notre fantaisie à peine amorcée...
Escale suivante au bout de la nuit : derrière un rideau de pluie, quelques aperçus fugitifs de la divine Florence à vrai dire très « imbibée ». D’ailleurs, « bonne poire », le Chianti, grâce à Dieu, coule à flots, à l’hôtel Veneto où l’on se réfugie — mais, soyez rassurés, seulement sur la table des grands ou « accompagnateurs » — ; il faut bien reprendre le moral quand il s’agit de partir à l’assaut des souvenirs Médicis, Raphaël, Vinci, Michel-Ange et autres, en sous-marin, voire en apnée... C’est ainsi que le Palais Vecchio s’institue notre premier abri, lien privilégié de notre histoire avec celle de Florence et nous livrant d’emblée l’énigme de son mystérieux corridor menant jusqu’au Palais Pitti, mais non la clef bien sûr ! Aussi nous faudra-t-il deux bons jours encore de rodéo acharné pour y arriver enfin à ce Palais Pitti, non sans la grâce et l’intercession constante dans notre itinéraire de Fra Angelico, San Lorenzo, Santa Trinité, Santa Croce... [...] Nous aimâmes ainsi en chœur le palais Davanzati, l’« aura » de David, la cour de Bargello, tous les enfers comparés des Grands Maîtres, de Pise à San Giminiano. Autrement dit, sans tirer au flan, nous vîmes presque tout, et même pour les plus braves passâmes l’après-midi de dimanche à Fiesole !
Je ne sais ce que rapportèrent nos protégés comme cadeaux souvenirs à leurs parents ; pour ma part, je n’eus que le temps de rattraper à l’arrachée un parapluie et un chapeau Renaissance qui, bien sûr, fait hurler mes propres enfants dès que je l’arbore... Rude métier d’être « mère accompagnatrice », mais que plus rude encore celui d’être mère. D’où la bonne humeur mise à rendre à la Si Vénérable École alsacienne l’annotation suivante attestant du bon comportement du troupeau qui m’avait été confié : a priori, ils y survécurent tous, du moins je l’espère. Car tous, globalement, furent très dociles, malgré mon inexpérience en ce genre de tâche : entre eux bons camarades et solidaires, à l’aise et très décontractés ; et, bien que probablement moins concernés par Galilée, Pise, les Médicis et Florence qu’ils n’avaient su en donner l’illusion à leurs professeurs, ils se montrèrent à toute épreuve bons « bougres » et prêts à jouer l’aventure-rodéo qui nous était imposée. [...]
La Mère-l’Oie
Les Cahiers de l’École alsacienne, n°60, 1994
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